Poème

PETIT PLAISIR CACHE
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Allongé sur la table de la salle de bain, ce manche ridicule, raide et rectiligne ne semble gêner personne. Tel un gardien ancestral, il attend son heure en silence.
Quand une pomme de main avisée, encore froide et humide, le saisit, l'instrument prend un nouveau sens. Ses poils hérissés baignent désormais dans une substance blanchâtre et étincelante, luisante sur sa tête, comparable à une sauce dont les papilles alléchées n'attendent que de la goûter. C'est grâce à ce mouvement magnifique de vas et viens, de violoniste emporté par sa musique, que l'Homme peut l'utiliser. Une énergie si jovialement émise procure en outre un certain plaisir : allant de petits chatouillements gingivaux, à un véritable titillement local de la bouche. Ruisselante aux extrémités, ce gouffre est le havre du maître agitateur. Celui-ci ayant fini son travail, permet au fleuve malsain de se déverser dans une admirable oasis blanche, finissant sa vie dans les diverses tuyauteries.
Marqué par la solitude, ce moment de quelques minutes parfois réédité plusieurs fois par jour, cache bien son jeu. En effet, quel plaisir d'agréable fraîcheur on ressent, en se brossant les dents.